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Les règles dans le monde - Le Liban

20/12/2021

Le Liban est réputé être l’un des pays les plus libéraux de la région sur le plan social et sociétal. Pourtant, le poids des traditions et de la religion y reste très prégnant, preuve en est cette campagne d’affichage de l’été 2019 qui visait à briser le silence entourant la santé sexuelle des femmes, et en particulier la question des règles et de la précarité menstruelle. On y voyait des femmes n’osant pas finir leurs phrases : « Je ne suis pas satisfaite pendant… », « Je ne ressens pas de plaisir quand je… », « J’ai une sensation bizarre dans mon… »…

Ce silence imposé sur toutes les questions touchant à l’intimité des femmes rejoint cette remarque d’une activiste de l’initiative Jeyetna, qui a organisé pendant l’été 2021 un festival itinérant de la menstruation : « Au Liban, il n’y a pas de mot pour dire « règles », et ça c’est le premier signe de précarité menstruelle ». Dans le cadre de la catastrophe économique qui frappe le Liban depuis 2020, et de l’extrême paupérisation qui en découle, la question de l’hygiène menstruelle est devenue un risque sanitaire majeur . Chez Réjeanne, nous pensons qu’il est essentiel d’en parler.

Au Liban, une précarité menstruelle sans précédent qui alarme

La crise et l’hyperinflation pèsent sur le prix des protections périodiques

Comme le dit sans détour une journaliste du site d’information panarabe Raseef22 (propos repris dans Courrier International) : « L’effondrement économique du Liban est entré jusque dans l’utérus des femmes ». Aujourd’hui 55% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, avec un quotidien marqué par de graves pénuries d’électricité, de carburant et de médicaments, et les prix des protections hygiéniques qui ont triplé, voire quintuplé.

Trois femmes sur quatre sont donc condamnées à faire de difficiles arbitrages, souvent au profit des dépenses pour leurs enfants. Au risque de porter trop longtemps les mêmes protections périodiques ou de recourir à des substituts inefficaces et dangereux pour leur santé : bouts de tissu, chaussettes, morceaux découpés de couches pour enfants, morceaux de carton même. On a vu un obstétricien recommander à ses patientes de remplacer les produits d’hygiène intime par du yaourt ! Quant aux analgésiques visant à soulager les douleurs liées aux règles ou le syndrome prémenstruel, ils sont oubliés…

Humiliations, marginalisation, mauvaise hygiène intime – le nouveau quotidien des personnes menstruées au Liban

Dans ce contexte, l’expression « précarité menstruelle » devient presqu’un euphémisme, il s’agit plutôt de pauvreté extrême, de dénuement total. Le silence des autorités et de la société sur le sujet oblige les femmes à supporter seules les conséquences sanitaires, psychologiques et sociales de cette précarité, puisqu’elle n’existe pas officiellement. Signe de cette indifférence scandaleuse, les protections hygiéniques n’ont jamais fait partie de la liste des produits essentiels subventionnés par les autorités. Humiliation, marginalisation, tendance au repli sur soi, peur, honte, difficultés pour aller au travail ou à l’école, isolement, développement de maladies : la situation des femmes, particulièrement les plus jeunes, confrontées à l’extrême précarité menstruelle est dramatique, voire traumatisante.

Des initiatives pour soutenir les femmes

Face à cette crise sanitaire, les initiatives se multiplient, qu’elles émanent d’ONG de solidarité internationale ou d’organisations libanaises plus militantes. Quelques exemples :

  • Dans le camp de réfugiés palestiniens de Chatila, des membres de l’ONG Days For Girls et de son partenaire local WingWoman Lebanon forment des femmes à coudre des serviettes hygiéniques réutilisables en tissu coloré.
  • L’organisation « Dawrati » (« Mon cycle ») distribue des paniers féminins contenant des serviettes hygiéniques aux plus démunies pour lutter contre la précarité menstruelle. Mais pour Dawrati, la précarité menstruelle dépasse la stricte question de l’accès aux produits menstruels : « C’est le manque d’accès à une salle de bain propre et sûre. C’est le manque d’accès à l’éducation sur la menstruation. C’est le manque d’accès à un espace sûr où les femmes et les filles peuvent parler librement de leurs règles. Mais surtout, c’est le produit de l’injustice sociale ». D’où le projet de réaliser et diffuser un documentaire de 20 minutes, structuré autour de sept portraits vidéo très variés, donnant une vision approfondie des différentes manières dont la précarité menstruelle affecte les femmes libanaises.
  • En juillet 2021 s’est déroulé le festival itinérant « Jeyetna » qui « peint le Liban en rouge et pointe la précarité menstruelle », avec un film, des discussions et la fourniture de produits menstruels réutilisables.

Toutes ces initiatives s’inscrivent dans le combat que résume en ces mots Lama Naga de l’ONG Plan International : « La menstruation n’est pas un choix, mais un fait biologique, et l’accès aux produits hygiéniques est un droit humain ».

Chez Réjeanne, nous contribuons à notre mesure à cette lutte contre la loi du silence qui entoure encore la question des règles et qui tend à renforcer la précarité menstruelle. C’est le sens de notre série sur les règles dans le monde qui nous a déjà emmené.e.s au Népal, en Bolivie, en Afghanistan, en Chine, ou même chez les Cherokees.