Les règles dans le monde : L’Ecosse, 1er pays à instaurer la gratuité des protections hygiéniques
« Fierté », c’est le mot qui ressort des déclarations faites le 24 novembre 2020 par la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon et la députée travailliste Monica Lennon, à l’origine du projet de loi. Fierté d’avoir gagné devant le Parlement le combat contre la précarité menstruelle, fierté d’avoir obtenu, au terme de quatre ans de lutte acharnée, que la gratuité des protections menstruelles soit inscrite dans le marbre de la loi. Fierté d’être le premier pays à avoir pris cette mesure « révolutionnaire », fierté aussi d’envoyer un signal au monde : oui, il est possible de mettre en place un accès universel gratuit aux protections périodiques !
Il est vrai qu’un tel débat et une telle décision auraient été inconcevables il y a quelques années, à une époque où l’expression « précarité menstruelle » n’existait même pas. Alors oui, les militant.e.s du combat contre la précarité menstruelle peuvent être fier.e.s d’avoir réussi à transformer une « préoccupation de bonne-femme » en « sujet politique » !
Le tabou des règles masque la réalité de la précarité menstruelle
La précarité menstruelle désigne les difficultés économiques de nombreuses femmes à se procurer des protections périodiques, qui sont pourtant des produits de première nécessité. Une étude réalisée en 2017 au Royaume-Uni par l’ONG Plan International a révélé que sur un échantillon représentatif de 1 000 filles et jeunes femmes âgées de 14 à 21 ans, une sur dix n’avait pas les moyens d’acheter des protections menstruelles.
Plus largement l’étude indique que 14% d’entre elles ne savaient pas ce qui leur arrivait lorsqu’elles ont eu leurs premières règles, que 52% ont manqué l’école à cause de leurs règles sans oser donner la vraie raison, enfin que 48% éprouvent un sentiment de honte à en parler, y compris à l’école ou en famille. Déficit d’information et d’éducation, stigmatisation, persistance des tabous, tous les ingrédients sont là pour passer sous silence la dure réalité de la précarité menstruelle, au détriment de l’épanouissement et de la confiance en soi des filles, pour certaines même de leur insertion dans la société.
« Lady Business », un groupe d’adolescentes déterminées
C’est dans ce contexte que quatre adolescentes du lycée Larbert de Stenhousemuir, au centre de l’Écosse, ont formé le groupe “Lady Business” après avoir écrit un article sur la précarité menstruelle pour le journal de l’école, et dans l’objectif de sensibiliser l’opinion, de s’exprimer dans les écoles et d’organiser un rassemblement devant le Parlement écossais.
Autant dire qu’elles ont elles aussi été très fières « d’avoir contribué à un si grand changement pour le monde » ! C’est peut-être grâce à des jeunes comme elles que l’Ecosse a été un pays précurseur sur le sujet…
L’Ecosse, aux avant-postes du combat contre la précarité menstruelle
C’est surtout grâce à la détermination de député.e.s comme Monica Lennon, soutenue par des associations de femmes et des coalitions de syndicats, que les choses ont bougé. En août 2018, l’Ecosse se posait déjà comme un pays pionnier en annonçant qu’il allait mettre à disposition de ses 395.000 élèves et étudiantes, des produits menstruels gratuits, grâce au déblocage de 5,2 millions de livres, soit près de 6 millions d’euros.
Dix-huit mois plus tard, en février 2020, le texte de loi étendant la gratuité à toutes les femmes était validé en première lecture, avant d’être adopté à l’unanimité le 24 novembre, avec le soutien du gouvernement écossais. L’opération est estimée à 9,7 millions de livres par an, soit environ 11 millions d’euros.
A charge pour les autorités locales de décider et organiser les modalités pratiques à mettre en place pour s’assurer que les produits soient bien disponibles gratuitement dans les écoles, les lycées, les universités et autres bâtiments publics. En revanche, ils resteront payants dans les commerces.
« Nos vagins ne sont pas des porte-monnaie »
Les réactions ne se sont pas fait attendre en France à l’image de ce texte publié le 30 décembre sur Mediapart par un ensemble de citoyenn·e·s, militant·e·s et autrices qui alertent sur l’enjeu politique des règles et de la précarité menstruelle, une « question de justice sociale et environnementale ». Les choses évoluent cependant aussi en France avec, à l’horizon 2021, un budget de cinq millions d’euros dédié à la lutte contre la précarité menstruelle.
Cette décision est le fruit d’un long travail parlementaire et d’un ensemble d’expérimentations menées ces derniers mois sur le terrain. Les fonds seront destinés à « renforcer le combat mené par les associations pour l’accès de toutes les femmes aux protections périodiques », ont annoncé le 15 décembre 2020 dans un communiqué le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, et la ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, Elisabeth Moreno. Les femmes incarcérées, les femmes en situation de précarité et de très grande précarité, et les élèves des collèges et lycées en éducation prioritaire seront ciblées « en priorité », ont-ils ajouté. Un peu d’espoir pour les 1,7 million de femmes qui souffrent de précarité menstruelle en France…
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